Bracelet Shaku-Do étape par étape

Bien le bonjour !
Voici un travail de commande :
Une cliente est venue me voir avec son idée en tête ainsi qu'un dessin :

Il s'agit d'un bracelet, avec sur la plaque, des idéogrammes japonais et des fleurs de cerisier gravés.
Aprés discussion et quelques jours de réflexion, je lui fais un dessin :

Plutôt que de la gravure, je lui propose des motifs rapportés sur la base. Les caractères et les fleurs en or et argent sur une base patinée, sombre.
L'idée retenue est les idéogrammes en or et les fleurs de cerisier en argent.
Pour pouvoir faire une patine, et surtout pour rester dans l'esprit du bijou, je décide de faire la base en Shaku-Do, un alliage japonais de cuive et d'or, qui permet une large gamme de patines. Cet alliage se retrouve aussi dans la fabrication du mokume gane...
Je vais utiliser 6% d'or fin, le reste en cuivre pur, pour un lingot d'environ 30 grammes.

Le lingot (fondu une première fois, laminé très fin, coupé et refondu pour un bon mélange)

Forgeage, laminage, recuit...


Je m'arrête à du plané de 15/10ème

Je découpe ce qui va être la plaque, j'emboutis et mets en forme dans du bois puis dans un dé à cambrer (excusez, dans le feu de l'action, j'ai oublié la photo).
Je mets la plaque dans le ciment de ciseleur en traçant grossièrement les motifs que je désire, je n'ai pas besoin d'une grande précision, je verrai avec le ciselet en main !

Au passage, voici les ciselets dont j'aurai besoin :

Une fois la ciselure terminée, je sors la pièce du ciment, la nettoie.
Je fonds une petite boule d'or fin, et je la martèle jusqu'à une épaisseur de 4/10ème. Je ne recuis surtout pas puisque je vais découper les caractères et plus l'or fin sera rigide, mieux ce sera.

Le Shakudo-Do ressemble méchamment à du cuivre, mais ce n'en n'est pas...il m'a semblé qu'il s'écrouissait moins vite et était un peu moins mou que le cuivre.
Le "mot" est prêt. Au fait, ça signifie "tenace".

Pour ne pas faire un post de 3 kilomètres de haut, la suite dans 2, 3 heures.

J'ai hate de voir le bijou fini *_* l'idee et la mise en place est magnifique je trouve (pas tres optimiste j'adore le Japon et leur culture donc tout ce qui y touche est beau ^_^ )

Une question... meme avec 6 % d'or fin on considere l'alliage comme de l'or? quand on vois les deux quantité ça parait tellement infime ^^

en tout cas j'ai hate de voir la suite =)

Bonjour Ombre, et merci.
Non, en aucun cas cet alliage n'est considéré comme de l'or...c'est juste du cuivre avec un petit peu d'or...ce qui apporte quelques propriétés intéressantes. Historiquement, en occident, nous ne travaillons pas avec ce genre d'alliage (quoique dans le monde grec et romain on aurait trouvé ce genre de combinaison).
Je continue
Après avoir soudé les "lettres" sur la base, j'attaque les fleurs, dans de l'argent fin, martelé et non recuit :

Ensuite, je soude les fleurs sur la base.
Dans du plané d'argent 925 de 9/10ème, je prépare le dessous de la plaque. J'emboutis en me servant de cet outil (cet outil est le support sur lequel je mets en forme) :

(j'ai une fois de plus oublié de photographier cette étape)
J'obtiens cette forme :

Qui vient s'ajuster sous la forme en shaku-do. J'assemble en soudant.

Je reprends les fleurs au burin, pour donner plus de nervosité :


Au final, c'est un bracelet...il est temps que je m'occupe de la chaîne, ce sera de la maille jaseron, en or jaune 18 cts...j'aime bien la jaseron.
J'ai des maquettes en laiton, pour savoir où je vais question poids :

Je tire mon fil 1/2 jonc à la dimension souhaitée, je fais la cannetille, et donc les anneaux :

Je reprends aussi les idéogrammes au burin histoire de fignolasser.


Je vais uniformiser la surface à l'ancienne, au charbon de bois !

(les allumettes montées sur la perceuse pour attaquer les petits endroits)

Toujours à l'ancienne, le brunissage des caractères en or avec un brunissoir en hématite :


Pour le brunissage, on trempe la tête de l'outil dans de l'eau savonneuse avant de frotter...là, je l'ai fait à la salive

Maintenant, si vous le voulez bien, passons en cuisine !


Bon....je vais suivre une recette d'un bouquin sur les patines japonaises. Je donnerai les références à la fin.
Une semaine avant, j'avais préparé un mélange...mais comme je n'ai pas fait de photos, je le recommence ici :

Acétate de cuivre (c'est du vert de gris, un peu poison) :


Hydroxyde de sodium (la soude caustique, gaffe avec ça, c'est....caustique) :


Et enfin, du carbonate de calcium (j'ai pris du blanc de Meudon, mais de la craie en poudre est la même chose, là, aucun risque) :


Dans un bon verre d'eau déminéralisée, 3 cuillères d'acétate de cuivre, une d'hydroxyde de sodium et une de carbonate de calcium :



On touille...j'ai fait un peu chauffer pour bien mélanger

Et j'ai laissé reposer quelques jours.

Bonsoir ooGSQoo,

Passionnant ce post, c'est vraiment sympa de nous détailler toutes ces étapes.

J'ai hâte de votre le bijou fini.

Juste une question pour les mailles jaserons...on peut partir d'une cannetille?
Je croyais que non. Ou alors ça dépend de la taille des mailles et ce qui est possible sur des petites sections n'est pas possibles sur les grandes.

Pour le reste je me contente de regarder, rien que le découpage me fait baver d'envie.

Bonne suite
Myfie

Wouah!

J'aimerai tant savoir ciseler, il faut un doigté et une patience.

C'est superbe!

Bonjour ooGSQoo,

Passionnant ces étapes de travail....ta cliente a beaucoup de chance...jamais une grande marque ne lui ferait un si beau bijou en un exemplaire unique.

Merci pour ces photos et ces explications

Moi aussi j'ai hâte de voir la fin de ce bijou.

Encore merci

Michel Zim


P.S. Pour la chaîne jaseron, tu tournes une cannetille dans un sens et une dans l'autre ???

Bonjour ooGSQoo,

Super ce "Pas à pas" !

J'ai hâte de voir la suite et la fin de cette réalisation qui s'annonce de la plus belle facture !

Merci pour toutes ces photos et pour le partage !

@ Myfie
Sur du jaseron de petite taille, on peut partir d'une cannetille.
Le post où Michel faisait toutes ses mailles une par une, c'était pour un bracelet beaucoup plus fort : fil 1/2 jonc à 33/10.

Pour mémoire, le bracelet LE LIEN ICI.

Bonne journée

travail magnifique, on attends la suite :-)
Merci pour le tuto

Pas pu m'en empecher.
N'arrive pas a lire ce qui est ecrit.
Sans te commander, j'aimerais bien la version sur papier.
C'est pas pour, juste par curiosité
douce journee.

Jacques

Bonjour à tous et merci pour le retour bien sympa.
Pour la jaseron, c'est sûr que tourné sur une cannetille il y a ce biais, ce décalage qui n'est pas super et en plus fera se vriller la chaîne. @ Michel : c'est vrai que j'aurais du tourner la moitié du fil à gauche, l'autre à droite et alterner les anneaux pour réduire ce vrillage...je ne l'ai pas fait  mais bon, au final, ça ne tombe pas si mal, les anneaux sont relativement petits. C'est du demi jonc à 60%, au fait.
Dans le cas d'anneaux plus gros, que pensez-vous d'une pince comme celle-ci pour former des tronçons de fil ? :


Pour Helvete....un affreux doute m'envahit....j'espère que je n'ai pas découpé n'importe quoi !!
Voilà ce que j'ai eu :

Bon, la suite du boulot.
La solution que j'ai laissée reposer s'appelle du rokusho (je suis la recette du bouquin).

J'ai filtré pour recueillir une pâte humide

On en trouve, tout prêt au Japon, et même aux Etats-unis, parait-il, mais pas en France.....et en Auvergne, je vous raconte même pas !

Cette base m'a servie à faire du "Niage"
Une cuillère de rokusho, préparé précédemment, une cuillère de sulfate de cuivre et de l'eau.
J'en profite pour vous montrer un beau cristal de sulfate de cuivre...dommage que ce soit trop tendre et soluble sinon, j'aurais aimé le monter en pendentif...

Je réduis le centre de mon bijou avorté en poudre :



Je répéte : Une cuillère de rokusho en pâte, une cuillère de sulfate de cuivre et de l'eau pour faire le niage.

Je sacrifie une cafetière pour maintenir ce breuvage au chaud.

Une étape très importante : parfaitement dégraisser le bijou...et ne plus le toucher avec les doigts. La moindre présence de graisse fait écran à la patine.


Bon, maintenant, la partie....bizarre...
Dans le bouquin, ainsi que dans les recettes glanées sur le net on parle de l'utilisation du radis japon, le daikon :

La pulpe de ce radis permettrait à la patine de prendre de manière uniforme, d'éviter des tâches...
Pas contrariant, je vais donc utiliser ce radis. Petit problème, impossible de trouver le moindre daikon dans mon bled !
J'ai écumé un paquet de boutiques, je suis même allé voir des restaus japonais...j'ai même téléphoné à Tang frères...on a fini par me prendre pour un malade, voir un pervers, mais rien, je n'en ai pas trouvé.
J'ai acheté du radis noir, pas très sûr de mon coup...mais bon, au moins aurais-je essayé, me dis-je.

Mon bijou bien dégraissé, je le frotte de radis noir rapé en pulpe.

Je le rince et je l'immerge dans le niage chauffé

je touille de temps en temps et je vérifie avec anxiété...je ne sais pas trop où je vais, quand-même.
Au bout d'une demi heure, je sors, le rince, recommence avec le radis, rince à nouveau et le replonge.
Il est resté environ une heure et demie dans le bain, je le ressors ainsi :

La photo rend mal, mais c'est un peu brun avec des reflets pourpre.
J'inspecte et je vois que seul le shakudo a pris la patine...la partie inférieure en argent 925 a un peu bruni mais vraiment à peine. J'ai utilisé de l'or fin pour les caractères, car, d'abord, je trouve que l'or pur est incroyablement chaud et agréable d'aspect et aussi je voulais être sûr que les décorations ne soient pas affectées par la patine.
Je trouve quand même que ma patine n'est pas assez soutenue, alors, je vais en remettre une couche...mais une autre patine, la maison ne recule devant aucun sacrifice..."san tanpan", toujours dans le même livre (j'en avais préparé d'avance) :
3 cuillères de sulfate de cuivre, une demi cuillère de sel de table, et du vinaigre à la place de l'eau (désolé, pas de photos pour celle-ci). Je repasse le bijou au radis, au rinçage, et je le trempe dans le san tanpan, à peine 10 minutes.
Je sors, je stoppe les réactions en le lavant au bicarbonate de soude, par précautions, je séche avec un chiffon super doux.
Et, ça rend pas mal, en fait...gris brun, avec des reflets pourpres



Pour finir, je passe un petit coup de cire renaissance"
Bien-sûr, ce n'est qu'une patine, la cliente est prévenue que ça peut changer fortement dans le temps. Nous nous sommes entendus pour qu'elle me ramène le bijou de temps en temps, que je vérifie l'évolution, voir que je reprenne la patine. Je me dis aussi que les lettres et les fleurs saillantes peuvent protéger un petit peu des frottements.
Merci pour toutes vos remarques.  
Greg

Pas de panique.
Le sens y est juste un peu different.
Perseverent, patient.


Juste que les kanji ne forment pas trop les groupe voulus, deux trait qui vont trop loin, unりpas tres.....
ressemble plus a つ。

Bon je sais ayant tester, les kanji c'est pas ce qu'il y a de plus facile a decouper.

Voila, une agreable journee

Ouf, merci Helvete....je ne me voyais pas chercher une gomme à or....déjà que j'ai eu du mal avec le radis.
Si j'avais su, je t'aurais contacté avant de commencer le projet. Merci pour la précision.
Bonne journée.
Ha oui, j'ai oublié...voici la référence du livre où j'ai pris cette recette  : http://www.ganoksin.com/borisat/nenam/japanese-patinas-foundation.htm, avec un extrait du bouquin en prime.

Bonjour ooGSQoo,

Super le bracelet, vraiment très beau.
Merci de nous avoir fait partager ce travail.

Myfie

Bonjour ooGSQoo,

Merci pour toutes ces photos et toutes ces recettes,

Oui, une pince comme tu montres pourrait être utile, mais en fait, la difficulté est seulement de joindre les deux bouts bien en face et bien à plat...pour cela je fais un trait de scie à toutes les mailles et je les mets en forme soit dans un trou ( idoine ) de dé à emboutir ou dans le trou conique du dos d'une vielle filìère française.

Les cristaux de sulfate de cuivre sont de toutes beautés (*) ...ce sont ces cristaux qui le premier m'ont attiré vers la minéralogie, pour ensuite mieux comprendre la gemmologie de nombreuses années plus tard.

belle journée.

Michel Zim


À la fin des années 60 un prof de science au secondaire m'avait donné l'adresse d'un département de Belle Canada, qui donnait gratuitement des '' ensembles de chimistes amateurs '' pour expliquer comment faire pousser ces cristaux à partir de solutions sursaturées.

Malheureusement, toute proche, une ligne de chemin de fer ( vibrations dues au passage des trains ) faisait trop souvent se précipiter trop vite et surtout en de trop nombreux endroits mes cristaux contenus dans un gros bécher au fond tout plat....( De ce jour je n'ai cessé d'aimer les cristaux et....aussi les Béchers )

@Michel: j'ai été fasciné vers 12, 13 ans par les cristaux, quand on m'a acheté au palais de la découverte à Paris un kit pour les faire pousser...des gros, violets, qui ressemblaient à des améthystes.

Bonsoir ooGSQoo,

Je suis curieux, qu'elles étaient ces gros cristaux violets ?.....une variété colorée de sel...?

Belle soirée.

Michel Zim

C'est très lointain ce souvenir, très flou. Il me semble vaguement qu'il y avait écrit ''permanganate''...alors peut-être du permanganate du potassium,mais rien de moins sûr.
Bonne soirée.
Greg.