Bonjour à toutes et à tous,
Dans la cadre de tout ce que je veux raconter de ma manière de voir le métier dans mon nouveau site internet, voici le dernier texte écrit hier soir à l'île d'Orléans jusqu'à très tard dans la nuit.
Ici : http://zimmermann-quebec.com/verbes-trois-verbes-et-uniquement-trois/
Ou là ci après:
Verbes……Trois verbes et uniquement trois.
DÉFORMER, ENLEVER, AJOUTER.Voilà … tout est dit de ce métier de la parure, étonnant non ? Et pourtant pas une seule technique, pas une seule action, pas un seul geste, aussi minimes puissent-ils être, ne pourraient faire parti d’une longue liste se rangeant chacune sous ces trois verbes.
Comprendre cette simple vérité aidera forcément à bien réfléchir, lorsque viendra le temps, en fonction d’un objectif, idéalement sous forme de dessin, et à bien choisir non seulement les judicieuses techniques à mettre en route mais aussi et surtout dans quel ordre il faudra impérativement les faire se succéder sous peine de se retrouver avec des problèmes parfois insurmontables et pire rater le but et éventuellement devoir soit rétrograder, ce qui n’est jamais agréable, soit, malheur, tout recommencer à zéro.
L’une des questions la plus courante chez un apprenti ou même parfois par de plus expérimentés devant une pièce totalement nouvelle ou à première vue particulièrement complexe étant : » Oui, mais par quoi faut-il commencer ? Avoir en tête une approche analytique de tout ce qui va mener à la progression sécuritaire d’un bijou ajoutera une plus grande confiance en soi augmentant sans cesse avec les années sa liberté de création.
Je sais bien qu’un discours comme le mien, avec son air un peu trop rétro, puisse ne pas plaire à quelques débutants dans le métier et pire encore à quelques uns qui se croyant prioritairement créateur super inspiré se privant volontairement alors de réfléchir avant de se lancer dans la plongée que constitue toujours la prétention naturelle de vouloir créer seul un bel objet qui pour la première fois verra le jour. Peu importe, ne serait-ce que pour moi-même, je trouve que cette réflexion sur papier, enfin sur mon écran d’ordinateur, en vaut largement la peine. Suivra en fin d’article une liste non exhaustive de tous les verbes concernant toutes les techniques de la bijouterie-joaillerie, courantes ou non. Pour l’instant quelques exemples……
En première place sur ce podium le verbe »
Déformer ».
Tout commence par la fabrication d’un lingot à partir de, soit plusieurs métaux dont les poids bien calculés pour être au titre légal, soit d’une quantité suffisante de grenailles, soit de morceaux résultant des récentes créations. La force de la flamme du chalumeau, par la fonte effectivement déformera ce métal pour qu’il en résulte un lingot. Lingot qui lui-même sera aussi déformé par le martelage, par le laminoir ou par le tréfiloir.
En seconde place le verbe »
Enlever »
Sur un plané de la bonne épaisseur, pour fabriquer un corps de bague, on tracera par exemple deux cercles. » Tracer » ! Tiens au fait, par les marques que laissent soit l’aiguille d’acier, soit la pointe à tracer ou encore la pointe du compas, est bien un verbe à mettre dans la première liste. Les traces auront bel et bien déformées la surface, de peu c’est vrai, mais quand même, une réelle déformation ) Découper à la scie ce plané permettra donc d’enlever de ce plané la première masse nécessaire à la poursuite du travail.
Pour faire une bande, le plané aurait pu être découpé à la grosse cisaille ou plus mince, comme pour couper un paillon de soudure, découpé à la cisaille à main.
Percer est encore enlever du métal. Mettre en pierre se fait aussi à la scie par l’enlèvement d’une certaine quantité de métal ou plus souvent à la fraise.
En troisième place et non la moindre, ''
Ajouter''
Ajouter pour les ouvriers des métaux précieux que nous sommes se fera dans l’immense majorité des cas par le fait de souder entre elles au moins deux parties parfaitement ajustées. Pour souder, il faudra ajouter de la chaleur, beaucoup de chaleur pour que se transforme le paillon qui une fois fondu prendra par capillarité sa place définitive. Vous voyez, on ne s’en sort pas, peu importe le fractionnement des tâches de notre métier, toutes nos actions de créations se logent dans ces trois listes. Même réfléchir en cours de route ajoutera toujours un petit quelque chose de merveilleux à une création déjà bien en route.
Il est un autre avantage que de penser ainsi, celui de pouvoir dans son esprit, avant et pendant la construction de l’œuvre à mettre au monde pour une toute première fois ou non, augmenter ou améliorer fortement, malgré même une longue expérience, sa capacité à choisir avec finesse les bons gestes au service de toutes ces techniques et méthodes de travail. Je sais quelques uns, ceux cités plus haut pourront ajouter (!) que tout cela est de l’ordre de l’obsession, pourquoi pas si au bout du compte cette conscientisation nous aident à augmenter à la fois la qualité, l’esthétisme et l’utile efficacité. Autrement à quoi servirait-il d’avoir de l’expérience, réalité qui dans le sens latin du terme art, artis est nécessairement incluse. Merci de m’avoir lu courageusement jusqu’ici, voici donc en ordre alphabétique, ces trois listes :
D É F O R M E RAgrandir
Aplatir
Cambrer
Casser
Chasser
Ciseler
Cisailler
Compresser
Couper
Creuser
Diminuer
Diviser
Écraser
Écrouir
Emboutir
Estamper
Étirer
Fileter
Fondre
Godronner
Gratter
Guillocher
Laminer
Marteler
Masser
Percer
Perler
Planer
Plier
Poinçonner
Ramolayer
Rabattre
Redresser
River
Sectionner
Sculpter
Tendre
Tracer
Tordre
Torsade
Tourner
Tréfiler
Verser
E N L E V E RAiguiser
Adoucir
Aviver
Brûler
Émeriser
Découper
Dérocher
Détremper
Essuyer
Fraiser
Graver
Limer
Meuler
Nettoyer
Polir
Poncer
Recuire
Scier
A J O U T E RAssembler
Bater
Boraxer
Boulonner
Braser
Chauffer
Coller
Emmailler
Enfoncer
Entourer
Goupiller
Huiler
Lier
Marier
Mesurer
Noircir
Nouer
Plaquer
Souder
Riveter
Sertir
Tremper
Vernir
Visser
Il me fera plaisir d’ajouter à cette liste des verbes que j’aurai certainement oublié. Comme le dit Marcel Conche, prolifique philosophe français : » En général je suis infaillible, mais…pas toujours. »
Michel Zimmermann
16 août 2015
Î.O.P.Q.